LES CINQUANTIÈMES HURLANTS


Je rends grâce à ce qui me permet de rendre grâce.
Je m’incline devant ma connerie.
Louée soit sa profondeur abyssale qui me fait croire en son existence.
Je m’incline devant les ‘joyeux Noël’ et ‘bonne année’ désespérés
Je m’incline devant les comment ça va, moi ça va et toi ça va quand y’a plus rien qui va.
Je m’incline devant les anniversaires, leurs gâteaux et cadeaux d’une amertume sans nom
Je m’incline devant les séparations sabrantes
Je m’incline devant les retrouvailles incandescentes
Je m’incline devant les ‘je t’aime’ paniqués
Je m’incline devant les ‘tu ne m’aimes pas’ transis
Je m’incline devant les dis-moi comment tu te sens quand je m’en fous complètement
Je m’incline devant tous mes projets moribonds
Je m’incline devant ma rage qui pulse au creux de ma vie.
Je m’incline devant toutes mes errances
Je m’incline devant les hara-kiris de mes échéances
Je m’incline devant le Titanic de ma vie qui recherche son iceberg
Je m’incline devant mes batailles épiques contre des moulins à vent ricanant
Je m’incline devant mes Eldorados toujours fuyants.
Je m’incline devant le Kurukshetra de mon existence qui vomit ses contractions et contradictions.
Je m’incline devant les oui qui crient non
Je m’incline devant les non qui hurlent oui
Je m’incline devant les jupes moulantes et les talons aiguilles des déesses de ma folie
Je m’incline devant les salopes sacrées de mon panthéon orgiaque
Je m’incline devant la sémantique-gymnastique non duelle de mes stratégies de camouflage
Je m’incline devant les citta vritti nirodha, Om namah Shivaya, tout est Shiva et autres formules de mon cabaret spirituel
Je m’incline devant les fous rires nerveux qui se terminent en pleurs
Je m’incline devant le tsunami des regrets, les masques de l’évidence que cela ne pouvait être autrement
Je m’incline devant le mur des lamentations de mon Facebook existentiel et le néant de mes jérémiades publiques
Je m’incline devant la faconde de mes palabres de forains qui muselle l’enfant que je suis qui pleure
Je m’incline devant tous les trikonasana, parsvakonasana, le folklore postural, gardiens apeurés de ma mythologie urbaine
Je m’incline devant les photos de postures dans des décors pasteurisés
Icones de la culture de l’effort et du corps torturé
Je m’incline devant toutes les bondieuseries exotiques de mon exténuante recherche qui charrie une fatigue cosmique
Je m’incline devant tous les gurus, les yogis, les ashrams de mes destinations fébriles qu’a façonnés ma peur.
Je m’incline devant ma peur
Je m’incline devant ma confusion
Je m’incline devant ma vulnérabilité
Je m’incline devant mon impuissance
Je rends grâce à la joie non reconnue de mes naufrages


Christian Pisano


 

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