LE GROGNEMENT DE L’OURS (extrait)
La joie du naufrage
Tu marchais vers moi chantant une comptine que je ne connaissais que trop bien. Pourquoi l’avais-je oublié ? Comment avais-je pu l’oublier ? Elle qui avait toujours été là comme un battement de cœur au cœur de ma vie.
Je me rappelle...
cette nuit de vinasse sans fin au casino de ma vie, ayant tout joué, la cupidité au fond des yeux pour tout perdre dans un effrayant soulagement.
Je ne t’ai pas reconnu.
Je me rappelle…
mendiant ces misérables hochets suintants les promesses cadavériques d’un futur inexistant, refermant mes mains sur du vent avec une stupeur viscérale.
Je ne t’ai pas reconnu.
Je me rappelle…
cet instant de diamant où dans la blancheur indifférente d’un spécialiste résonnaient les mots 'tumeur terminale’.
Je ne t’ai pas reconnu.
Je me rappelle…
la douceur enivrante des bras de ma mère lorsque je rentrais épuisé et courbaturé de l’école du monde.
Je ne t’ai pas reconnu.
Je me rappelle…
la paix de la confluence lorsque dans les bras de l’amante je goûtais à ton propre repos.
Je ne t’ai pas reconnu.
Je n’ai cessé de scruter l’absence de mon visage dans les mille et un visages que tu prends.
Ah ! mon absence n’est que ta présence.
Christian Pisano
"Quand tu lances ton esquif sur la mer de Dieu, Heureux es-tu alors, si tu y fais naufrage." Angelus Silesius
Commentaires
Enregistrer un commentaire